Les salariés sont de moins en moins engagés et les entreprises ont du mal à redonner du sens à leurs missions. Lors d’une conférence organisée par le groupe Up, Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson Project, explique pourquoi et comment réenchanter le quotidien de ses équipes.
Les entreprises évoluent dans un monde en constante mutation et de nombreux facteurs les contraignent à envisager des changements drastiques dans les décennies à venir. Pour se révolutionner, elles doivent s’appuyer sur l’engagement de leurs salariés. Or, toutes les études montrent que le taux d’engagement actuel en France est très faible : selon le dernier rapport de l’institut Gallup, seulement 6% des collaborateurs se disent engagés.
Reste à savoir ce que signifie réellement le mot « engagé ». « Pour moi, c’est donner du sens à ses valeurs « , affirme Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson Project, lors d’une conférence organisée par le groupe Up sur le thème de l’engagement.
Mais pourquoi la question de l’engagement se pose-t-elle de façon aussi aigüe aujourd’hui ? « Parce que nous sommes dans un changement magistral de société« , explique Emmanuelle Duez. L’éventualité d’une société sans croissance, l’accélération démographique, des générations qui changent plus vite et sont moins homogènes amènent les entreprises à se remettre en question. Surtout, elles doivent faire face à « une transformation anthropologique : les Hommes ont changé leur rapport au temps et à l’autorité. Ils ont aussi changé leurs valeurs. Cela impacte donc les organisations« , poursuit-elle.
Les entreprises doivent donc explorer le thème de l’engagement pour réussir à mener les changements nécessaires pour rester en phase avec leur époque. Selon la fondatrice de The Boson Project, 90% des entreprises estiment devoir changer leurs pratiques dans les 30 ans à venir, quand 90% des salariés s’estiment désengagés. Or le désengagement coûte cher. Des collaborateurs motivés permettraient de réduire de 37% l’absentéisme et d’augmenter de 22% la profitabilité, affirme l’entrepreneuse.
Quels comportements favorisent l’engagement ?
L’engagement est de plus en plus compliqué, notamment dans les structures de taille moyenne (50 à 500 personnes) et chez les moins de trente ans. « Les méthodes d’incentive d’hier ne fonctionnent plus : la jeune génération ne s’engage pas si on lui promet un iPad« , prône Emmanuelle Duez.
Si chaque génération a passé un contrat psychologique différent avec l’entreprise en échange de son engagement – la stabilité matérielle pour les baby boomers, l’employabilité pour la génération X, le sens pour la génération Y – tous cherchent à s’épanouir dans l’entreprise. Dès lors, comment y parvenir ? « Cela passe par le sens, la reconnaissance, la transparence et la confiance, affirme Emmanuelle Duez. Certes, ce sont les bases de la littérature managériale de ces 50 dernières années, mais elles n’ont jamais vraiment été mises en oeuvre« .
Ici, le sens représente le sens de la mission du salarié : « à quoi je sers ? Comment puis-je m’approprier le sens de l’entreprise pour le faire mien ? Qu’est-ce que cela dit de moi de travailler dans cette entreprise ? « , résume-t-elle.
La reconnaissance, elle, a peu à voir avec la reconnaissance monétaire, mais plus avec la reconnaissance immatérielle du travail de ses équipes. Il faut savoir remercier et valider les prises de risque des collaborateurs. Pour un manager, montrer ses faiblesses aide aussi les autres à s’engager : « dire ‘j’ai besoin de vous, je me suis planté mais ça va aller’, c’est ce qu’attendent les salariés aujourd’hui « , juge Emmanuelle Duez.
La transparence, elle, correspond à la symétrie des attentions. Les salariés peuvent être les premiers ambassadeurs de l’entreprise, en témoignant que les valeurs véhiculées sont réellement appliquées, tout comme ils peuvent en être les premiers détracteurs, jusqu’aux lanceurs d’alerte, si l’entreprise n’aligne pas discours et réalité. L’engagement n’est donc possible que si l’entreprise fait ce qu’elle dit.
Quant à la confiance, elle doit, selon la fondatrice de The Boson Project, subir un changement de paradigme : « avant, on contrôlait avant d’accorder sa confiance. Désormais, il faut faire l’inverse, car l’entreprise recrute des personnes qui savent des choses que leurs supérieurs ne savent pas. Il faut donc savoir lâcher prise, mais aussi prendre conscience que le delta d’erreur devient plus important« , développe Emmanuelle Duez.
Quel manager pour favoriser l’engagement ?
« Nous pensons que le talent de demain, c’est le manager, assure la fondatrice de The Boson Project. Le manager au sens noble du terme, dont le temps est sacralisé pour être le gardien de l’engagement individuel et collectif « . Selon elle, pour mener à bien cette mission, il faudrait un manager pour quinze personnes. Elle explique ainsi avoir mené avec son entreprise et Mazav une étude dans 70 pays auprès de 7000 jeunes de moins de trente ans sur leurs attentes en matière de supérieur hiérarchique. Conclusion : ils attendent avant tout un « nice guy », quelqu’un de sympathique et aimable avec les équipes. C’est-à-dire quelqu’un capable non seulement de faire preuve d’empathie et de transparence, mais surtout de fragilité.
« Dans un monde si complexe, un seul homme ne peut pas dire ‘j’ai tout compris, faites-moi confiance, suivez-moi’« , explique Emmanuelle Duez. Au contraire, les équipes seraient davantage prêtes à suivre quelqu’un qui fait preuve d’humilité, qui reconnait ses erreurs, « qui reconnait que les superhéros n’existent pas « , et qui est capable de valoriser les compétences de ses équipes.